jeudi 8 octobre 2009

Air - Love 2: Un septième pavé dans la mare.

Par Louie Louis

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Si le message de Kraftwerk était clair et inégalable, tendant vers la robotisation du musicien au même titre que celle du travailleur moderne, Air aujourd'hui nous rappelle avec Love 2 (prononcer "Love deux") que la musique électronique peut aussi être faite par des êtres humains. Un choix organique assumé qui fera dire à certains que l'album sonne creux ou je ne sais quoi.


Comme de dignes héritiers de François De Roubaix, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel utilisent les claviers analogiques non pas comme une finalité en eux-même mais comme un moyen pour arriver à quelque chose de beau; toujours légers même quand ils affirment avoir voulu utiliser tous les instruments qu'ils possèdent dans leur studio Atlas et toujours puissants malgré le minimalisme des textes, parfois à la limite du mielleux ( Au fond du rêve doré, sorte de générique du Miracle de l'Amour dépouillé de son mauvais goût).


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Love 2 est un disque qui regorge de concepts sincères, d'une sorte de naïveté retrouvée qui, faute de m'être compréhensible tant que je ne serai pas un trentenaire, a au moins le mérite de m'interpeller agréablement; car même si le duo a adopté une démarche différente que celle de son précédent album, qui était déjà différente de celui d'avant etc etc, il pratique toujours une musique suggestive et sensuelle, et c'est précisément là que l'on s'y retrouve. Ne cherchez pas dans Love 2 le Sexy Boy bis , mais dites-vous simplement qu'écouter de la musique à la fois intuitive et sophistiquée, simple et référencée, électronique et organique, c'est encore autant de bonnes raisons d'aimer un disque.
Tous les albums de Air vous renvoient à une dimension astrale, si lointaine qu'elle en est presque gênante, dans le plus pur respect des bases posées par Moon Safari, et ce Love 2 ne déroge pas à la règle et semble dès l'ouverture (Do the joy) vous dire ceci : "jouissons de l'instant, mais restons polis" , comme un antidote à toutes les formes de morales désuètes tiraillées entre "rester sage" et "s'éclater au point de maltraiter son corps", et ce, juste à travers la musique. Air nous rappelle que l'on peut et doit avancer vers l'apocalypse avec élégance et que peut-être alors nous y échapperons.
Outre ces digressions presque métaphysiques, concluons simplement et efficacement: Air nous a une fois de plus prouvé qu'ils savent pratiquer la musique électronique (puisque c'est ainsi que nous les cataloguons) telle qu'elle aurait toujours dû être, à savoir un artisanat précieux et visionnaire; et pour cela, merci.


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Photos par Luciana Val et Franco Musso extraites du site aircheology.com .

lundi 5 octobre 2009

Quentin Tarantino et son Inglorious Basterds .


Critique subjective d'un homme et son film,

par Thomas Pujol


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Cet article n'est certainement pas fait pour enfoncer des portes ouvertes .Dire à un cinéphile que Tarantino est un grand réalisateur, un cinéaste majeur des 90's revient à balancer à un spécialiste des questions de politiques internationales : « la guerre c'est mal, on devrait tous se donner la main. » .Rien de plus vrai ! Certes, mais quand on a dit ça, qu'a-t-on vraiment dit?


Celui qui a commencé dans le 7éme art comme ouvreur d'un ciné porno dépeint avec humour des personnages surréalistes dans une Amérique white trash impitoyable et explosive, pour faire plus simple, dans une amérique tarantinesque.
Pas étonnant que le nom du bonhomme soit devenu un adjectif dès son deuxième film : Pulp Fiction car l'Italo-Américano-Irlando-Cherokee (ou comment incarner tout seul un pan de l'histoire américaine) fait des films « différents », tout simplement .On pourrait disserter des heures sur son style, sa mise en scène, ses acteurs fétiches, son utilisation de la musique ou encore ses dialogues mythiques.

Mais tout le monde sait déjà que si jamais on se retrouve à discuter d'un Quarter Pounder with Cheese avec un américain, c'est bien d'un Royal Cheese dont il est question.

Alors bref, à quoi bon répéter ce que tout le monde ressasse depuis plus de 15 ans ?


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Tarantino sur le tournage d' Inglorious Basterds.


Ce que l'on dit moins c'est que Tarantino a régné sur les années 90 comme un roi paresseux qui aurait fini par s'endormir .Après Pulp Fiction et sa Palme d'or, il s'est contenté de filmer ce qu'il avait déjà vu quelque part y ajoutant par ci par là un peu de sa « Quentin touch » .Après tout Jackie Brown n'est que l'adaptation du roman Rum Punch mis à la sauce blaxploitation et le dyptique Kill Bill rien d'autre qu'un long hommage aux films de Bruce Lee et de la Shaw Brothers. Bien sûr il y a dans ces films des moments de mise en scène absolument fous et des éclairs de génie dont lui seul est capable. Mais est ce suffisant pour un roi ?
Alors qu'avec Pulp Fiction, il frappait un grand coup sur la table, Tarantino semble dès lors se contenter d'un cinéma de citation, cachetonnant par-ci par-là en réalisant un épisode de série tv, un court métrage pour un film à sketch ou une scène de Sin City.

Les mauvaises langues diront que Reservoir Dogs, son premier long métrage, n'était lui aussi qu'un remake caché de City on Fire de Ringo Lam .Mais peut-on réellement juger un cinéaste sur son vrai premier film ? Tarantino se cherchait, c'est évident, et puis Leone a bien commencer par adapter Kurosawa en western pour finir par faire Le bon, la brute et le truand, non ?

En tout cas, le pire arrive le 6 juin 2007 quand sort sur nos écrans Boulevard de la Mort , hommage inutile aux Grindhouse Films, où Tarantino filme Kurt Russel jouant à qui roule le plus vite avec toute une colonie de 95 C .Vroum Vroum et puis c'est tout .Pis, il finit même par s'autoparodier avec des dialogues sur-écrits qui tombent à plat comme un solo de Ringo Starr.


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Quentin Tarantino et l'époustouflant casting d' Inglorious Basterds.


C'est après ce film simple et sans consistance qu'il se décide enfin à réaliser le projet dont il parle depuis plus de dix ans, un long métrage sur la seconde guerre mondiale inspiré du film italien Une poignée de Salopards : Inglorious Basterds . Les fans de la première heure, dont vous l'avez bien compris ami lecteur votre serviteur fait parti, s'affolent .Ça y est, il revient et en plus il change ! Adieu les Etats-Unis des 90's, bienvenue dans l'Europe en guerre des années 40 ! Le gamin de Scorsese, Leone et Samuel Fuller va réaliser un film de guerre ! Ça va saigner les enfants ! Quoi qu'il arrive, nous allons voir autre chose .Tarantino va enfin prendre des risques et s'aventurer sur des sentiers qu'il n'a encore jamais exploré.
Sur le net, des noms circules on parle de Stallone, de Eddy Murphy, d'Adam Sandler, de Michael Madsen, de Simon Pegg, de Vincent Cassel, de Tim Roth, d'Isabelle Huppert, de Catherine Deneuve...Enfin bref, de tout et de n'importe quoi.
Ce sera Brad Pitt, Michael Fassbender, Eli Roth, Daniel Brühl, Mélanie Laurent, Diane Kruger et l'étonnant Christoph Waltz en colonel nazi sur lequel tout a déjà été dit.


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Déroutante Mélanie Laurent, éliminatrice de nazis au sang froid.

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Le non moins déroutant Christoph Waltz, dans le rôle du plus rusé des chefs SS de l'histoire du cinéma.


Le mercredi de sa sortie, je me retrouve à trois rues de chez moi dans ce cinéma qui vient d'être refait, l'endroit a une odeur bizarre de plastique et de velours neufs .Les sièges sont d'un rouge vif, brulant, saignant .Pas de doute, je suis dans la bonne salle ! L'excitation est présente, Tarantino n'a pas le droit de rater ce film, l'attente est trop forte .Il ne reste même plus une place! ! Il est d'ailleurs fascinant de remarquer l'hétérogénéité des spectateurs, toutes les classes, tous les milieux, du chômeur à la baronne, du pop corn au homard .Pas de doute, Tarantino est un de ces rares cinéastes qui donnent encore envie à tout le monde d'aller au cinéma. Et pour ça, chapeau !

Dès les premières images, le style est reconnaissable entre mille : le chapitrage, la musique de Morricone, les codes du western dans un univers aux antipodes du désert mexicain et pourtant, le contexte du film, la traque des juifs, le poids de l'Histoire donnent une nouvelle dimension qui déroute le spectateur .On ne rentre pas dans le film, on tombe dedans .L'intensité augmente de scène en scène : découverte des « basterds », péripéties dans une cave, vengeance, Ours Juif, montage vif et efficace, le Tarantino retrouvé ne nous laisse jamais une seconde de repos jusqu'au dénouement qui fera pâlir plus d'un historien, balayant d'une claque toutes les années creuses du sale gosse des 90's .Le message est clair : « Ce n'est pas de l'Histoire, c'est du cinéma et puis après tout, je fais ce que je veux ». Je n'en dirai pas plus sur le film car quand on se reçoit un coup de massue pareil et que l'on ressort du cinéma dans un tel état : amorphe, presque comateux, c'est qu'il n'y a rien à dire ! Inglourious Basterds est une déclaration d'amour à un cinéma révolutionnaire, qui explose les codes, terrasse la guerre et éradique les pires maux.


Ce long métrage regorge de références et d'hommages .Sauf qu'ici Tarantino ne nous livre pas un film de fan mais celui d'un artiste indépendant qui assume son style, respecte ses maîtres, leurs influences sans pour autant se laisser ronger par elles afin de rester seul et unique créateur. Il est la preuve d'une originalité retrouvée ou tout simplement d'un auteur qui a encore des choses à dire.

Pour faire simple, je dirais que :

« Si Quentin Tarantino est de ceux qui vous donnent envie d'aller au cinéma, Inglourious Basterds est de ces films qui vous donnent envie d'y retourner. »


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BASTERDS !