lundi 28 septembre 2009

Hotel Woodstock: Le freak , c'est out !

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Par Louie Louis

Aujourd'hui, je suis allé voir Hotel Woodstock, et j'ai compris. En fait, j'ai résolu et classé des questions que je ne m'étais jamais vraiment posé. J'ai compris pourquoi la perte de contrôle de soi était à la mode chez les jeunes, pourquoi des centaines de beaufs s'agglutinent dans des "skins party" et pourquoi la débauche est devenue un establishment. J'ai compris pourquoi un petit cinéma d'art et essai de province qui fait généralement preuve de bon goût et de préciosité peut se retrouver pris au piège par le grand règne du cool et ainsi projeter un film comme Hotel Woodstock.


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Can you pass the acid test?


C'est qu'on a le temps de réfléchir pendant que le personnage principal, un jeune juif gay doué en affaires et mauvais en relations, prend son premier trip de LSD: tout y passe: couleurs et formes modifiées, relations sexuelles à plus de deux, au cours d'une scène qui paraît plus longue encore que le film The Doors d'Oliver Stone tout entier. C'est durant cette courte éternité que j'ai compris voyez-vous. J'ai compris qu'avec les hippies, la sauce avait prise. Que nous aurions été plus chanceux s'il en avait été de même pour Kraftwerk. Non, je ne suis pas en train de dire que je n'ai pas écouté les disques du Jefferson Airplane; mais que d'une courte décennie riche en magie, le monde a retenu la fin d'une génération paumée dans ses cheveux longs et gras, et pire, a trouvé cela beau. Woodstock, ça sonne comme le paradis dans la conscience collective, tout en laissant chacun se croire subversif d'apprécier ce "festival". Rien que ce mot...festival... Festival de rock... Woodstock a donné ce que certains prennent pour un héritage, mais qui n'est en réalité qu'un fardeau qui porte plusieurs noms: Rock en Seine, Glastonburry etc... Rien qu'un tas de médiocrité (à cause du public hein, surtout, bien que la programmation laisse souvent à désirer). Enfin, les festivals, c'est cool, tout le monde en parle, c'est une énorme machine à fric, et ce, depuis Woodstock donc, ces trois jours de boue et de maoîsme à l'américaine. Le thème d'Hotel Woodstock, c'est l'organisation de ce festival historique vu à travers ce personnage timide mais entrepreneur dans l'âme très bien défini plus haut: Elliot Tiber (qui a vraiment existé et existe toujours, puisque c'est une histoire vraie) , fils d'immigrés juifs et propriétaires d'un motel dans la région de Woodstock donc, entre champs et marécages. Par une succession de hasards, il se retrouve à la tête de l'organisation du festival de l'été 69, un événement qui va le dépasser dès le début, avec un million cinq cent milles hippies qui l'adulent et un village entier de péquenauds judéophobes qui veulent sa mort et celle de ses parents pour avoir fait de leur paisible comté une zone officiellement sinistrée.


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Si je suis tenté de blâmer ce film, c'est parce que c'est à cause de telles réalisations que le grand mensonge de la société du cool est entretenu: toute cette libération n'est que bullshit. Il n'y a jamais eu libération de la jeunesse, qu'on se le dise. Certains diktats en ont remplacé d'autres, voilà tout. Là où les caméras de Ang Lee veulent diffuser l'image d'une liberté totale, d'une beauté naissante , je ne vois que boue et perte de contrôle des individus, et rien de telle qu'une perte de contrôle collective pour manipuler à souhait. Voilà ce que fut Woodstock: une manipulation, la plus grande escroquerie du rock and roll, et ça Pete Townshend l'avait compris dès le premier accord de guitare qu'il avait sorti devant un million et demi de brûlés des yeux à cause du soleil et du LSD, d'hépatiteux joyeux, de branleurs révolutionnaires et d'hypocrites en tout genre. A première vue, Hotel Woodstock est encore une production qui installe les deux piliers de la dictature douce de l'entertainment confortablement dans les précieux jeunes cerveaux. Un coup dur de plus porté aux adolescents qui le verront et qui fantasmeront sur ce qu'ils y trouveront au premier degré. "Se lâcher", mot d'ordre d'une succession de générations pour qui le ridicule ne tue décidément pas.

Mais, comment détester réellement ce film, qui est aussi de l'initiative d'Elliot Tiber, qui n'a pas tant l'air que ça d'un idiot, quand on dénote la lucidité sous-jacente qui s'y cache. Pour défendre cet argument, deux exemples, aussi anecdotiques qu'efficaces: les allusions récurrentes à l'absence de Bob Dylan (qui habitait Woodstock à l'époque) qui était pourtant attendu, mais aussi fortement incompris. Dylan avait vu arrivé l'embrouille, l'hypocrisie qu'il y avait à se revendiquer contre la guerre en dansant nu sur un van coloré, la récupération du phénomène beatnik pour formater des dizaines de milliers de kids prêts à se gaver sans réfléchir de substances illicites pour qu'ils deviennent des hippies. Les beatniks, les mods, le swinging london, Andrew Oldham: tout ça, c'était l'espoir, le début, un souffle nouveau; mais les hippies, (qui n'étaient plus des hipsters ), c'était la fin et Robert Zimmerman le savait.
Le deuxième exemple, c'est l'allusion finale au festival d'Altamont, qui, comme chacun sait, fut un désastre, faite par ce mec qui avait bien trop les pieds sur terre pour être sincère: Micheal Lang. Ce personnage est le plus cool du film, le plus détendu, mais aussi le plus calculateur: une relation d'adjectifs tout à fait appropriée.

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Micheal Lang (Jonathan Groff), le control freak aux airs de roi lézard & Elliot Tiber (Demetri Martin).

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La famille Tiber, chez le banquier (Henry Goodman, Demetri Martin & Imelda Staunton).


Au risque que ces messages (presques implicites) ne soient captés que par dix pour cent des gens qui iront voir le film, il nous reste une famille juive relativement attachante, une poignée de types à la sexualité incertaine et dépassés par tant d'agitation, ainsi que de très bonnes anecdotes comme cette gaffe faite par Elliot lors d'une conférence de presse, alors qu'il avait fumé son premier joint d'herbe : "toute la musique du festival sera gratuite" qui conduira le gouverneur à déclarer l'enceinte du festival zone sinistrée à cause d'une arrivée trop massive de jeunes gens (moins de dix mille personnes étaient initialement prévues, ce qui suffisait déjà a rendre riche la petite famille Tiber). Bref, ce petit personnage révolutionnaire malgré lui ne peut pas donner un mauvais film, tout comme il n'a pas pu rendre trois jours si vicieux que ça, mais l'éternel problème, c'est la récupération... Et Hotel Woodstock renvoie inévitablement cette regrettable image de récupération, comme un pathétique remake d'une histoire qui porte déjà son poids de laideur.

Heureusement, pour mettre tout le monde d'accord, il reste les Beatles, la solution parfaite des sixties; et c'est heureux que l'on en parle beaucoup en ce moment.

dimanche 27 septembre 2009

Quelques nouvelles.

Précieux lecteurs,

Louie Louis vous propose dans la rubrique "les chroniques de Zhou" une première interrogation sur le nouvel avènement du rétro-futurisme à travers la compilation d'Alexis Le Tan avec les graphistes de Ill Studio: Audible Visions. Affaire à suivre.


Un entretien avec Bertrand Burgalat ainsi qu'un hommage au docteur gonzo Hunter S. Thompson par Little Johnny Jet sont toujours disponibles dans les archives.

Nous vous informons aussi qu'un contenu nouveau et exclusif arrivera sur ce blog en cours de semaine, ainsi qu'un nouveau numéro papier avant la fin de l'année.

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Audible Visions: Retour vers le rétro-futurisme

Par Louie Louis

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Je crois bien qu'une nouvelle ère s'ouvre à nous.
En 2007, les Français découvraient Justice, puis Justice a fait re-découvrir Daft Punk aux Français, puis, enfin, les Français se sont lassés de Justice et de Daft Punk; ce qui est heureux. Mais les Français n'ont pas oublié ce que la musique électronique hyper-référencée pouvait leur apporter de fierté hexagonale et de confiance en eux.
C'est ainsi que l'année 2009 est devenue un vaste terrain de jeu pour les "eh mec, j'ai découvert cette B.O de Jean-Michel Jarre sur un blog, elle date de 73" ou "Putain, brigade Mondaine, par Cerrone: une tuerie". Bien sûr, je suis le premier à me prêter au jeu: j'écoute en écrivant ces lignes la B.O de Captaine Future, et je fantasme chaque seconde un peu plus sur le Space beyond the egg de The Emperor Machine: c'est vrai quoi, comment peuvent-il encore enregistrer une batterie de cette façon? Un déluge de rythmes funk qui accompagne des synthétiseurs tous plus rétros les uns que les autres. Une superbe recette. Emperor Machine n'aura jamais autant de succès que cette année.
Bref, tous les kids qui écoutaient les Electric Prunes et les Easybeats il y a deux ans semblent aujourd'hui ne jurer que par Jean-Jacques Perrey et le Universal energy de
Bernard Estardy. Nous substituerons donc au mot "passéisme" qui nous fut jadis assigné à tort et à travers au terme "rétro-futurisme", qui veut à quelque Moog près dire la même chose. Mais préférer les modulations d'un Korg MS-10 à la guitare fuzz passera toujours mieux auprès des trentenaires rabats-joie. C'est pourquoi je lance ce cri d'alerte: "ATTENTION, NOUS RENTRONS DANS LE RANG". Mais tous ces sons synthétiques sont si jouissifs que je serais tenté de vous déconseiller l'achat de Garageland
par ungemuth, qui, disons le, arrive un poil trop tard, et de vous ordonner l'acquisition de Audible Visions , une compilation récemment sortie, tirée à cinq-cent exemplaires:
elle coûte douze euros de moins que le livre de Nicolas Ungemuth et est au moins douze fois plus intéressante en ces nouveaux temps anciens.

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Cette pépite a été concoctée par Alexis Le-Tan, qui nous avait déjà livré son excellente Space Oddities, et les graphistes de Ill Studio, collectif très en vogue, bien meilleur sur un artwork de compilation que sur des tee-shirts, et qui a réussi à faire de Audible Visions ce que le CD aurait toujours dû être: un objet libre et futuriste, sans son immonde boîtier en plastique.
L'angle adopté ici est une sorte de mysticisme de l'an 3000, comme si Louis Pauwels et Jacques Bergier rencontraient Capitaine Flamme et une troupe d'artistes conceptuels adaptant jules Verne au théâtre: une sorte d'expérience paranormale faite pour les fidèles de chez Colette; qui musicalement s'apparente au pire à du Goblin de série B, au mieux à du François de Roubaix pour un film d'horreur, le tout joué par des synthétiseurs dont nos aînés des nineties n'auraient même pas voulu entendre parler. Mais peu importe... Audible Visions arrive au moment idéal, l'enchaînement des morceaux est parfaitement efficace, l'objet est beau: une sorte de Must Have quoi; qu'on n'écoutera plus en Janvier 2010 parce qu'on en sera enfin aux vrais fondamentaux, du moins je l'espère, et que Moondog et André Popp seront réédités.
Pour l'heure, Audible Visions est la bande-son parfaite pour vos soirées hype, au moins aussi parfaite que l'était le répertoire Northern Soul il y a deux ans à la même époque.
Et il ne s'agit pas d'un événement isolé: le catalogue de la marque Sixpack, autrefois pollué par les digressions chromatiques d'Akroe, est cette fois réalisé par Ill Studio, et se targue de photos des statues de Pâques en sépia et de formes géométriques à dimension mystique, Metropolis de Fritz Lang est redécouvert peu à peu, joué au festival d'Avignon par deux compagnies; les jeunes générations délaissent Farfisa et parlent Arp Odyssey; le grandiose duo AIR sort un nouvel album en Octobre, Institubes a signé Rob qui y entreprend son fabuleux projet Dodécalogue, et sort des joyaux tels Chateau Marmont (qu'est ce que c'est mieux que TTC).
A n'en plus douter, le Rétro-Futurisme est de retour, et la compilation Audible Visions en est une preuve parmi d'autre, la posséder, c'est en être un témoin privilégié.
Mais qu'est-ce que le rétro-futurisme en 2009? La preuve que certains, même dans le caniveau, tournent encore la tête vers les étoiles? Une ultime forme de passéisme, qui nous fera d'ici peu tourner la page à tous? Un désir de mysticisme prononcé en ces temps de dur pragmatisme sociétal? Un simple jeu mené par une élite de hipsters du nouveau millénaire?
Aucune réponse dans ma tête, juste un fairlight et quelques cordes trop cheap pour être jouées par des violons.