Par Louie Louis
Ne cherchez plus de fraîcheur pop française, et je pèse les mots FRAICHEUR et POP; Mustang est là. Un soir d'Octobre, dans un bar du 11ème arrondissement de Paris, et Wham bam thank you mam, trois jeunes gens à l'allure authentique, un chanteur à la banane soignée, régulièrement peignée, des pantalons Sta Prest, des Ray-Ban et surtout, une musique... nouvelle. Il faut dire dès lors à tous ceux qui s'attendent à une pâle copie des Stray Cats ou à un groupe rockhabilly qui regarde la vie dans un rétroviseur de moto se fourvoient complètement, et ceux qui présentent Mustang comme tel sont tout simplement les journalistes qui n'écoutent pas la musique dont ils parlent. Mustang rappelle finalement plus les "jeunes gens môdernes" d'il y a vingt-cinq ans que les teddy boys d'il y' en a quarante-cinq, si besoin il y a de les comparer. On retrouve chez eux cette envie de créer une musique pop novatrice tout en ayant les Sun Sessions d'Elvis en tête. Mustang, aussi bien épris de Gainsbourg que d'Aphex Twin, injectent des textes sincères sur des boîtes à rythme de Farfisa, des claviers dansants et des mélodies de Gretsch qui n'ont rien à envier à Brian Setzer. Au-delà de ces références éclectiques, il y a chez Mustang un réel pouvoir de parler aux jeunes avec des mélodies sans compromission aucune. Avec Mustang et leur album A71, clin d'oeil évident à Kraftwerk, on tient la recette parfaite de ce que doit être un groupe français en 2009 destiné à avoir du succès. Mustang ré-invente l'art du coup de rein, du regard méchant, et offre douze titres emplis d'une masculinité retrouvée, sans jamais se tourner vers le vulgaire. A71 vous redonne une raison de croire que la musique peut vous apporter une posture intelligente, un regard (moderne?), une manière élégante d'être un adolescent qui "rentre sa chemise dans son pantalon" et qui a les yeux (toujours) tournés vers les étoiles. Un coup de génie, de génie pop pour sûr... Et voici ce qu'ils ont à dire sur quelques points essentiels.
HibOO d'Live : Mustang "Je m'emmerde" from Le-HibOO.com on Vimeo.
Vidéo réalisée par Hiboo le jour de l'interview.
Z: Vous avez su créer une musique pop et honnête, noble en somme, pensez-vous qu'il y avait une place à prendre dans ce domaine? ou d'autres le font-ils selon vous?
Jean: Une place à prendre dans la pop, oui, car il n'y a pas eu de pop vraiment écoutable en France depuis longtemps, ni de rock d'ailleurs. Nous on se trouve entre la pop, la variété française et le rock and roll pur qu'on aime beaucoup.
Donc effectivement, je pense que dans le domaine musical français en général, il y avait une place à prendre, avec des textes en français.
D'ailleurs, chanter en français fut-il un choix difficile ou cela s'est imposé spontanément?
J: On ne s'est même pas posé la question, comme nous ne sommes pas complètement bilingue, ça s'est imposé spontanément.
On a un groupe en France, les BB Brunes, qui savent faire une pop à guitare, mais qui sonnent un peu vendus, vous, vous êtes un peu l'antidote aux BB Brunes...
J: Je crois pas qu'on puisse sonner "vendus"...
Johan: Sur la question de l'honnêteté, je vois pas trop ce que tu veux dire, je pense pas que les BB Brunes soient des vendus.
Disons qu'ils ont exploité des clichés, alors que vous, vous êtes arrivés avec vos propres clichés...
J: Oui, peut-être, mais je pense que l'honnêteté c'est une fausse question en musique. Ce qui est important, ce sont les bonnes chansons, basta.
Et puis on a peut-être pas écouté les mêmes choses que les BB Brunes, bien qu'on ait le même âge, on est passé complètement à côté de la vague Strokes, Libertines, c'est pas du tout ce qui nous a amené au rock and roll, on a toujours écouté plutôt des vieux trucs. Plein de jeunes ont découvert le rock avec les Libertines, nous on a plutôt commencé avec Nirvana, puis du coup les Stooges, et puis du coup Sucide, et puis Bo Diddley etc...
Quand je vous ai vu au Pop In la première fois, j'ai directement pensé à Suicide... avec cette fascination pour la musique des années 50 et 60 puis cette envie de sonorités nouvelles, ça vous caractérise bien je pense...
J: J'en suis ravi parce que c'est notre groupe préféré. Après, pour ce qui est des sonorités nouvelles, dans leur cas, c'est vraiment parce qu'ils n'avaient pas d'argent, et donc qu'ils ne jouaient qu'avec un vieux Farfisa à deux balles. Je pense que ce groupe s'est fait en bonne partie par hasard, mais c'est un beau hasard. Mais ce qu'on aime dans Suicide, c'est cette voix très Gene Vincent et cette musique hypnotique, et c'est ça qu'on a toujours aimé dans le rock, d'où les Stooges, le Velvet, puis Bo Diddley.
Et quant à l'ajout des sons synthétiques dans votre musique, des boîtes à rythme, avez-vous utilisé cela dès le début?
J: En fait on avait des potes qui jouaient dans des groupes garage et qui avaient des Farfisa, mais ils les utilisaient vraiment d'une manière très sixties, avec un gros son qui passait dans la Leslie, puis nous on a vu qu'il y avait des petites boîtes à rythme sur ces claviers, alors on a commencé à faire des morceaux avec ça, et c'est comme ça qu'on a fait le Pantalon, Pia Pia Pia ou Anne-Sophie. Mais on a dû trouver une solution, ces Farfisa étant trop vieux, ce n'était pas fiable sur scène, le tempo est trop flottant, donc on a samplé les boucles du Farfisa sur une boîte à rythme actuelle numérique.
Je voudrais parler avec vous de la chanson Le Pantalon, quand l'avez-vous écrite? Je trouve que c'est la plus simpliste de votre album mais en même temps, nous sommes tellement à être passés par cela, cette recherche d'authenticité dans une ambiance nauséeuse de molle tolérance, de comportements se voulant subversifs mais qui sont en fait bien-pensants... Nos années lycées ont été faites de cela... Saviez-vous en l'écrivant qu'à travers la France, une poignée de jeunes se retrouverait dans les paroles?
Jo : On l'a écrite l'été dernier.
J: J'en sais rien, je remontais mon pantalon un jour, j'étais en train de me saper, et c'est venu comme ça, je me suis dit que ça ferait une bonne histoire, une bonne chanson. Le personnage de la chanson est à la fois un peu ridicule et en même temps c'était bien sûr histoire de lancer une pique à tous les trucs qui nous ont fait chier, les manifs, les mauvaises chansons; parce que ce n'est pas le problème des idées, ce qui nous gêne c'est pas la manifestation mais les manifestants, leur attitude, ce qu'ils écoutent...
C'est-à-dire que nous au lieu d'avoir Imagine, on a eu Un jour en France...
Je sais que Joann n'est pas toujours d'accord avec ça, mais je pense qu'on a fait notre groupe contre des trucs qui nous ont fait chier, qu'on n'aimait pas.
Faire un groupe comme le vôtre, quoiqu'il en soit, c'est une réaction, une réaction esthétique et surtout musicale que certains groupes comme les Naast avaient déjà entamée...
J : Oui, les Naast étaient les plus racés, j'aimais bien. Mais globalement, il y a quand même un problème en France, c'est que les groupes refont l'histoire après les Anglais... Regarde les BB Brunes, leur problème, leur limite, c'est que ce sont des Libertines français.
Jo : Ca manque d'audace.
J: Tu vois la mini-révolution qu'il y a eu en France avec des petits groupes qui avaient de bonnes chansons, ça s'est fait trop tard, en gros quatre ou cinq ans trop tard.
Mais il faut dire qu'on a traversé une période néfaste en France où les gens avaient une idée très sale du rock, et cette idée dominante empêchait quoique ce soit de bien de se faire... Et c'est pour ça que je parle de "réaction" pour qualifier votre groupe... Et on l'a vu quand les groupes dont on parle ont été interviewé: il y avait un décalage énorme entre l'idée que se faisaient les journalistes du rock et celle que s'en faisaient les musiciens...
J : Je trouve ça très triste, car c'est à la fois ce que tout le monde attendait: des jeunes types avec des guitares, et à la fois on leur a tiré dessus sans scrupule, avec des arguments à la con comme "vous savez pas jouer"... Et alors? Qu'est-ce qu'on en a à foutre?
Jo : Mais les détracteurs ont fait pire, comme les attaquer sur leurs origines sociales, qui était leur père etc...
J: C'était parce qu'ils étaient bien habillés, preuve que ces gens-là n'avaient rien compris, parce que le rock à la base, c'est des mecs mieux sapés que tout le monde. C'est bien que les jeunes aient de nouveau compris ça, parce que c'est le grunge qui avait chamboulé ça, et c'est allé dans la mauvaise direction, alors que Kurt Cobain était un mec stylé.
En tout cas, nous, on est à la fois dans la lignée de ces groupes parisiens, et à la fois on s'en différencie; en fait, on profite de leurs erreurs.
Parlons de la province, c'est comment Clermont-Ferrand pour lancer un groupe comme le vôtre?
J : Il peut y avoir un buzz très rapide à Paris, les groupes peuvent trouver très vite des dates, et ce n'était pas le cas chez nous, mais on n'a pas trop à se plaindre car des gens nous ont bien aidé.
Jo : On est arrivé au bon moment, parce que quand on a commencé, les gens parlaient un peu de Clermont-Ferrand grâce au groupe Cocoon, que l'on n'aime pas, mais ça a contribué à ce que les gens se tournent vers notre ville.
Y'avait aussi pas mal de bars pour jouer, et quelques groupes garage, une mini-scène en un sens.
Maintenant, ça sent un peu la fin de tout ça, parce que si tu te bases sur le cas de Paris, plein d'endroits ferment, c'est un peu la mort des concerts.
J: Ce qui est super bien en province, en tout cas à Clermont, c'est que tu as la possibilité de répéter très vite et quand tu veux; les lieux sont faciles à trouver.
Vous avez eu la chance de vous trouver, car ce qui est dur en province finalement, c'est de trouver des gens qui ont les mêmes goûts et ambitions que soi...
J: Oui, nous a commencé exactement ensemble, on a acheté nos instruments en même temps, et à l'époque on avait quelque chose comme trois disques chacun, on les a mis en commun et on a commencé notre chemin.
En ce qui concerne la musique électronique, présente sur votre album, quelles sont vos références? Y en a-t-il qui soient actuelles?
J : A vrai dire on écoute pas vraiment de trucs actuels, ce n'est pas par principe mais c'est comme ça.
On clôture l'album par une reprise d'Aphex Twin car ce mec est un génie, mais sinon, la référence absolue c'est Kraftwerk.
Jo : Le nom de l'album est un clin d'oeil à Kraftwerk (Autobahn ndlr) et non à la Route 66 comme certains le disent.
Donc pas d'idoles actuelles pour Mustang, pas d'influences de leurs temps? Il y a bien des artistes que vous admirez...
J : On nous pose tout le temps la question, et à chaque fois je me dis après "tiens j'aurais pu répondre ça".
Jo : Je pense qu'on nous pose la question parce qu'on sonne actuel.
J : J'espère. Pour ma part j'aime beaucoup The Streets, et plus récemment Sea Within a sea des Horrors.
Rémi : Moi j'avais aimé l'album Sexuality de Sébastien Tellier, mais c'est plus très actuel.
Jo: Moi je commence à bien apprécier le dernier album de Lily Allen, c'est ma copine qui écoute ça. On se moque, mais c'est de la bonne pop anglaise.
J: Et sinon, le dernier truc qu'on a vraiment kiffé, c'est l'album d'Arnaud Fleurent-Didier.
Dernière question, évidente : comment envisagez-vous l'avenir?
Jo : Faire le plus possible de concerts.
J: Et un deuxième album très vite, on a les chansons pour ça. On commencera à enregistrer à l'été 2010.