Si le message de Kraftwerk était clair et inégalable, tendant vers la robotisation du musicien au même titre que celle du travailleur moderne, Air aujourd'hui nous rappelle avec Love 2 (prononcer "Love deux") que la musique électronique peut aussi être faite par des êtres humains. Un choix organique assumé qui fera dire à certains que l'album sonne creux ou je ne sais quoi.
Comme de dignes héritiers de François De Roubaix, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel utilisent les claviers analogiques non pas comme une finalité en eux-même mais comme un moyen pour arriver à quelque chose de beau; toujours légers même quand ils affirment avoir voulu utiliser tous les instruments qu'ils possèdent dans leur studio Atlas et toujours puissants malgré le minimalisme des textes, parfois à la limite du mielleux ( Au fond du rêve doré, sorte de générique du Miracle de l'Amour dépouillé de son mauvais goût).
Love 2 est un disque qui regorge de concepts sincères, d'une sorte de naïveté retrouvée qui, faute de m'être compréhensible tant que je ne serai pas un trentenaire, a au moins le mérite de m'interpeller agréablement; car même si le duo a adopté une démarche différente que celle de son précédent album, qui était déjà différente de celui d'avant etc etc, il pratique toujours une musique suggestive et sensuelle, et c'est précisément là que l'on s'y retrouve. Ne cherchez pas dans Love 2 le Sexy Boy bis , mais dites-vous simplement qu'écouter de la musique à la fois intuitive et sophistiquée, simple et référencée, électronique et organique, c'est encore autant de bonnes raisons d'aimer un disque.
Tous les albums de Air vous renvoient à une dimension astrale, si lointaine qu'elle en est presque gênante, dans le plus pur respect des bases posées par Moon Safari, et ce Love 2 ne déroge pas à la règle et semble dès l'ouverture (Do the joy) vous dire ceci : "jouissons de l'instant, mais restons polis" , comme un antidote à toutes les formes de morales désuètes tiraillées entre "rester sage" et "s'éclater au point de maltraiter son corps", et ce, juste à travers la musique. Air nous rappelle que l'on peut et doit avancer vers l'apocalypse avec élégance et que peut-être alors nous y échapperons.
Outre ces digressions presque métaphysiques, concluons simplement et efficacement: Air nous a une fois de plus prouvé qu'ils savent pratiquer la musique électronique (puisque c'est ainsi que nous les cataloguons) telle qu'elle aurait toujours dû être, à savoir un artisanat précieux et visionnaire; et pour cela, merci.
Photos par Luciana Val et Franco Musso extraites du site aircheology.com .
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