jeudi 17 décembre 2009

KOUDLAM : GOODBYE

Laptops banlieusards et élitisme suicidaire

Par Louie Louis


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Imaginez un surdoué, un vrai, pas le petit Gaëtan qui emmerde tout le monde à la récré et qui a zéro en dictée, non, pas lui mais un nerd aux fascinations stellaires qui se dit, après avoir soufflé sur la mèche qui couvrait son regard (machinalement, car cela fait longtemps qu'il ne regarde plus le monde extérieur) , qu'il pourrait faire de la musique, mais sans trop se casser le cul quand même, parce que de toute façon personne ne va le comprendre.


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Ah mais aussi, comme il connaît un peu les hipsters parisiens, il faut qu'il trouve un concept, car sinon personne ne fera attention à lui, et il en a marre que personne ne fasse attention à lui, c'est vraiment la dernière chose qu'il souhaite en faisant de la musique...
Donc, il trouve un concept novateur, qui va en faire saliver plus d'un: civilisations amérindiennes anciennes / fin du monde / îles de Pâques (et que l'on ne me dise pas que je la ramène trop avec Le matin des magiciens, parce que là, on est en plein dedans), et il fait aussi preuve d'un bon goût et d'une sensibilité telle qu'il signe sur Pan European Records, le label de Romain Turzi, qui peut se targuer des plus belles pochettes de disques actuelles et des musiciens français les plus audacieux... Soit. Koudlam a gagné sa crédibilité, et il a trouvé sa recette: boucles, boucles et toujours boucles qui agressent l'auditeur, qui lui disent "je t'emmerde", agrémentées de nappes et de quelques arpèges de guitare. Et la voix ! La voix de Koudlam, c'est Ian Curtis qui a une angine et qui vit à Créteil; c'est ce personnage surdoué, qui même s'il essaie de rester distant et je-m'en-foutiste, s'il boit tout un pack de bières avant d'aller enregistrer, fera toujours quelque chose de génial.


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Par exemple, bien loin des canons pop du mélomane moderne mais pas trop , See you all est un chef-d'oeuvre, une chanson dotée d'une dimension mystique ET POURTANT, ce n'est qu'un sample en boucle, un beat banal et grossier et une voix chantée trop à gauche du micro avec la clope à la bouche entre deux phrases. Au même titre, Tonight est un ersatz post-punk avec flûtes péruviennes comme à Châtelet, Eagles of Africa ressemble à de la musique d'ascenseur pour quand il ne restera plus qu'un ascenseur sur Terre et j'en passe... On pourrait dévaloriser Koudlam pendant des heures et jouer la carte du hold-up hype, mais rien n'y fait, impossible de détester l'album Goodbye, car il est excellent et il se dispense bien de ce que nous attendons d'habitude d'un album...
Koudlam, sorte de Gainsbarre du PC sur scène, avec sa tête de fumeur de Gitanes insoumis, peut bien s'offrir le luxe de bâcler, car il tape là où il faut...


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En effet, Goodbye est presque thérapeutique, il nous plonge en face de nos névroses,de nos phobies d'apocalypse bien refoulées... Koudlam réussit à vous faire dire "A quoi bon?" et à ne trouver aucune réponse, surtout pas celles que vous avez toujours tenté d'apporter. En ce sens, Koudlam est novateur, car il a inventé la musique qui ne donne pas d'espoir, même pas celui de s'unir dans la désespoir. Koudlam n'est pas futuriste, non, mieux que ça, il est actuel: Goodbye est l'oeuvre d'un artiste qui ne s'est pas fait voler son présent, pas étonnant en somme que l'album soit suicidaire, et que son seul message soit "Adieu" : "Adieu le monde du retour de la pop à guitares et des jolies filles, tout cela n'existe pas, seul le présent existe et personne n'est capable de le vivre."
Au final, je ne sais pas si Koudlam est pleinement un escroc et s'il sort de chez Colette plutôt que de la banlieue pluvieuse que je m'imagine, mais je sais qu'avant 2012, nous devons détruire nos horloges et écouter Koudlam car là est notre salut.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bravo pour cet article sensible et juste. Oui Koudlam is great. Somptueux.